Une joute oratoire de 135 minutes sur le rôle et la place des sciences et du savoir dans la société, c’est ce à quoi a eu droit près de deux cents personnes le lundi 21 septembre 2015 dernier au débat « Science on vote » organisé par le RECSUS. L’activité, qui se déroulait au Centre Culturel de l’Université de Sherbrooke, a réuni pour l’occasion quatre députés fédéraux: Marc Dauphin, pour le Parti Conservateur; Pierre-Luc Dusseault, pour le Nouveau Parti Démocratique; David Berthiaume, pour le Parti Libéral et Vincent François, pour le Bloc Québécois. Des questions très intéressantes ont été posées, mais une question en particulier a retenu l’attention de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec…
« Selon les recherches menées par le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie (CRSNG), la proportion des femmes dans la plupart des disciplines de sciences et génie est plus faible que celle des hommes. Quels moyens seraient mis en place par votre parti afin d’accroitre la présence des femmes dans les carrières en sciences fondamentale et appliquée? »
Le hasard a déterminé que ce serait les représentants du Parti Libéral et du Nouveau Parti Démocratique qui allaient répondre à cette question.
Plus de femmes en science?
« Je vois qu’il y a des femmes dans la salle. […] Il y a [de] plus en plus de femmes qui s’impliquent » a mentionné le député de Sherbrooke du NPD, Pierre-Luc Dussault. Il est vrai que la croyance populaire tend à croire à une augmentation. Cependant, les chiffres démontrent qu’au Québec, le nombre d’inscriptions de femmes au baccalauréat en sciences appliquées est passé de 24,17 % en 2007 à 24,76 % en 2013. Une très mince augmentation de 0,59 % en 6 ans. Et c’est sans compter les étudiantes qui changeront de domaines d’études ou qui ne termineront pas leurs études universitaires. Donc, non, dans les dernières années, il n’y a pas plus de femmes en sciences et en génie, phénomène sur lequel la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec compte bien travailler.
Valeur ajoutée
Les deux députés reconnaissaient l’importance et la valeur ajoutée qu’apportent les femmes dans des milieux non traditionnellement féminins. Et avec raison, puisqu’un groupe qui est mixte « affecte de manière positive leur efficacité et créativité dans la mesure où elle augmente le nombre d’idées émises et permet d’envisager le problème selon des points de vue plus divers.[1] » Un groupe mixte concilie les forces, perceptions et préoccupations complémentaires des hommes et des femmes, ce qui résulte en l’augmentation des performances dans l’entreprise. De plus, plusieurs études ont démontré un lien entre le fait d’avoir un nombre élevé de femmes dans des postes décisionnels d’une entreprise et sa rentabilité[2].
Stéréotypes
Le député libéral David Berthiaume, chimiste de formation, a reconnu que certains stéréotypes véhiculés dans la société, dès le plus jeune âge, pouvaient influencer certaines filles à ne pas poursuivre une carrière dans le domaine des sciences et des technologies. C’est bien vrai, l’entourage joue un rôle très important auprès des jeunes filles qui voudraient se diriger vers les sciences. C’est pourquoi il est important, en tant que société, d’éliminer certains de ces stéréotypes du style « les math sont une affaire de gars », en intéressant les filles dès l’enfance à explorer ce domaine et a s’y intéresser, en plus de leur montrer des modèles positifs de femmes évoluant en sciences et en génie.
Ce même député a aussi affirmé que la décision de s’impliquer dans des milieux non traditionnels était entre les mains des femmes. Certes, mais bien que les femmes soient maîtresses de leurs décisions, plusieurs obstacles les empêchent encore aujourd’hui à faire des choix éclairés et non biaisés. Il est donc nécessaire de les aider et c’est pourquoi l’existence d’organisations ayant cet objectif n’est pas saugrenue. Il faut pouvoir encourager les femmes qui désirent évoluer en sciences et en génie, et étant trop intimidé par le milieu, à s’intégrer dans cet environnement qui est majoritairement masculin. Beaucoup de femmes s’excluent de ces métiers, pensant qu’il s’agit d’un milieu trop compétitif, où maternité et carrière ne font pas bon ménage. Par conséquent, il faut non seulement sensibiliser l’entourage des jeunes filles, mais aussi les employeurs et les employés œuvrant en sciences et en génie.
Solution miracle?
M. Berthiaume affirme que malgré la connaissance de l’enjeu, aucune solution miracle n’a encore été trouvée. La Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec a quant à elle le désir d’identifier et de mettre de l’avant des solutions au Québec. Elle propose, entre autres, de susciter l’intérêt pour les sciences et les technologies chez les jeunes à l’aide d’ateliers et d’outils pédagogiques, de démystifier les emplois en sciences et en génie, de présenter des modèles féminins travaillant en sciences et en génie, de créer des activités de sensibilisation, en plus de collaborer avec des organismes et des évènements ayant le même enjeu à cœur.
Article de Marie-Ève Kelly
Références :
[1] JODELET, Denise, VIET, Jean et Philippe BESNARD. La psychologue sociale, une discipline en mouvement, Paris, La Haye, 1970, p.308.
[2] ADLER, Roy D. « Profit, Thy Name Is… Woman? The consistent correlation between women executives and high profitability », Pacific Standard, [En ligne], 27 février 2009, http://www.psmag.com/business-economics/profit-thy-name-is-woman-3920 (Page consultée le 25 septembre 2015).